Voyager au JaponSoumis par sagette le 21 novembre, 2009 - 16:01 |
En 8 paragraphes, Arnaud Cousergue partage ici son expérience des séjours au Japon. Quelques conseils utiles aux Ninja voyageurs
Un voyage au Japon, c’est comme partir sur Mars. Une bonne préparation est obligatoire.
Le rêve de tout pratiquant de Ninjutsu est de faire le voyage au Japon et d’aller confronter ses acquis aux enseignements de Maître Hatsumi et de ses assistants. Je vais ici décrire comment s’organise un voyage d’étude au Bujinkan France. Ce n’est pas la réponse à toutes vos questions mais cela vous permettra d’y voir plus clair.
Après 12 ans de voyages à Noda, j’ai établi certaines règles :
1. Ne restez pas plus de 2 semaines si vous voulez profiter à fond des enseignements reçus.
Lors de mes premiers voyages je restais souvent près de trois semaines. C’est une erreur car vous êtes vite fatigué émotionnellement, psychologiquement et physiquement. Au bout de 10 jours vous ne vous entraînez plus, vous tentez de survivre dans un environnement hostile.
Le Japon ce n’est pas la France ! Aller s’entraîner au Japon ne doit jamais être considéré comme un séjour de vacances. Le Japon c’est comme aller sur la planète Mars. Rien de ce qui vous est connu n’est valable. Je répète souvent aux élèves qui m’accompagnent que le Japon c’est le pays de l’erreur permanente, ils le vérifient à chaque fois. Notre système de pensée ne nous prépare pas à vivre ce que nous vivons quand on est au Japon. J’ai beaucoup voyagé, j’ai même vécu 4 mois en Arabie Saoudite, mais le Japon est vraiment différent des autres pays du monde. C’est une autre planète.
Toutes vos idées préconçues seront fausses. Tout ce que vous croyez avoir appris sur le Japon avant le départ se révélera erroné. Allez au Japon avec une attitude humble et ouverte car tout y est différent.
Aujourd’hui chacun de mes séjours se limite à 10 - 12 jours maximum. De toutes façons ma femme et mes enfants ne m’autorisent pas plus.
2. Allez à Noda vous entraîner avec Maître Hatsumi 1 à 2 fois par an.
Dans le même ordre d’idée, j’ai changé mon séjour unique de 20 jours par deux séjours de 10 jours dans l’année. Cela permet de corriger ses erreurs tous les 6 mois et de rester en contact avec l’enseignement de Maître Hatsumi. Au début, un voyage par an me permettait de rester au niveau mais graduellement, j’ai pris conscience que mon niveau technique diminuait par manque de confrontation à la réalité du Ninjutsu de Maître Hatsumi.
Il y a plusieurs points positifs : j’apprends plus de choses en 2 x 10 qu’en 1 x 20. Ma femme et mes enfants le supportent mieux. Sur le plan financier cela est possible puisque les cours que je donne toute l’année à Paris, le sont à titre bénévole. C’est l’association qui paye mes voyages d’études au Japon.
Tout est question d’organisation et de savoir se fixer des objectifs. Un voyage coûte environ 2000 EUR.
3. Quelque soit votre grade, allez au Japon en tant qu’élève et non pas pour montrer quel enseignant génial vous êtes.
Beaucoup de professeurs qui partent à Noda, font cours à leurs élèves pendant les cours qu’ils reçoivent ! Cette attitude est déplorable, elle n’aide ni l’élève, ni le professeur. Sans compter que c’est un manque de respect pour nos enseignants Japonais.
Mes élèves sont toujours surpris quand il m’arrive de m’entraîner avec eux car ils n’arrivent pas à se mettre dans la peau de Tori. Arrêtez l’adoration béate et travaillez pour votre progression, pas pour l’ego de votre professeur. Au Japon, on est tous élèves !
Par ailleurs, préférez toujours quand c’est possible un entraînement avec un Japonais qu’avec un copain ou un autre occidental. Leurs déplacements sont souvent très supérieurs aux nôtres. Au Japon, vous n’êtes rien et quand vous l’acceptez vous apprenez.
4. Allez au Honbu (Dôjô central) pour voir Sensei et les Shihan Japonais en mouvement. Leurs mouvements vous indiquent la direction de votre progression.
Le niveau des cours est très élevé et je suis souvent perdu par la hauteur du niveau technique de Sensei et de ses Shihan.
Au Japon, si vous vous entraînez avec ceux qui enseignent au Honbu Dôjô (Nagato, Oguri, Senô, Noguchi) vous ne verrez pas de mouvements de base, même s’ils s’agit de mouvements basiques. Leur niveau technique est si haut que même un simple blocage prend des allures de technique supérieure. Et que dire de Maître Hatsumi ?
D’autres hauts gradés dispensent des cours plus abordables mais ils n’enseignent généralement pas au Honbu Dôjô.
De toutes façons, en ce qui me concerne, il m’est "déconseillé" (interdit ?) de m’entraîner avec des Shihan en dessous de 14° Dan. Cela m’est arrivé par le passé et cela c’est généralement toujours mal passé. Que diriez-vous si, en tant que Japonais, vous faisiez cours à un élève occidental plus gradé que vous ? La tension qui en résultait à chaque fois, m’a amené à arrêter ces tentatives.
Et n’oubliez pas que les Shihan sont des hommes comme vous et moi et que ce qu’ils arrivent à faire est ou sera à votre protée un jour. Ce que vous voyez là-bas est le futur de votre progression.
5. Entraînez-vous une à deux fois par jour maximum.
Les cours sont dispensés 1 à 2 fois par jour au Honbu Dôjô mais d’autres enseignants ont leur propre Dôjô et y dispensent des cours les mêmes jours. Il est donc théoriquement possible d’assister certains jour à 3 voire 4 cours.
Par expérience, je le déconseille. Tout d’abord, il faut du temps pour absorber ce qui est reçu et récupérer de la tension physique et mentale consécutive à chaque entraînement.
D’autre part, le niveau des différents Shihan n’est pas le même et parfois on a l’impression de passer au sandwich après avoir mangé du caviar.
La plupart des cours que vous suivrez transformeront vos mouvements et votre compréhension de la discipline. Au bout d’une dizaine de cours au Japon, vous aurez reçu l’équivalent d’un an de pratique chez nous. Mais si vous assistez à trop d’entraînements le même jour, vous risquez de passer à côté de l’enseignement. Faites bien attention à cela.
6. Vivez confortablement comme si vous étiez chez vous.
Ce point là est très important. J’ai trop vu de jeunes passionnés vivre comme des ascètes et finir leur séjour dans un état de fatigue propice à la blessure. Vous allez au Japon pour apprendre pas pour survivre ou vous blesser.
Mon conseil, dormez confortablement (hôtel, Ryokan), mangez bien (pas trop de sandwiches). De cette manière vous serez le plus à même de tirer la "substantifique moelle" de votre séjour.
C’est pourquoi le budget initial est important. Si vous partez avec un groupe de pratiquants, il faut absolument que chacun ai la même somme de départ. J’ai vu de nombreux groupes de pratiquants perdre leur unité à cause de cela. N’oubliez pas que le groupe avec lequel vous voyagez est votre seul lien avec le monde occidental.
7. Apprenez les rudiments de la langue Japonaise et les syllabaires Katakana et Hiragana.
Les Japonais ne parlent pas l’anglais et encore moins le français. Il est illusoire de croire que Noda est une ville dans laquelle l’anglais est une langue courante. Les Japonais ne parlent pas ou très peu l’anglais même si les choses évoluent rapidement.
Il vous faut donc faire l’effort d’apprendre les rudiments de leur langue. Il en va de même des deux syllabaires Hiragana et Katakana.
Certains vous diront que c’est inutile car maintenant les panneaux dans les gares sont aussi écrits en anglais. C’est vrai que depuis 12 ans le Japon s’est amélioré à cet égard mais quand votre wagon s’arrête devant le panneau en Hiragana, comment faites-vous pour savoir si c’est la bonne station alors que vous ne savez ni lire ni écrire ? Au pays de l’erreur permanente, il vous faut quelques atouts, un minimum de connaissances de la langue seront toujours d’un grand secours.
De plus, cette connaissance minimum de la langue Japonaise enrichira votre pratique. Les noms des techniques signifient des choses. Les cours au Japon sont toujours donnés en Japonais et sont parfois traduits en anglais (pas toujours). Si vous connaissez le vocabulaire technique de base alors vous saurez regardez dans la bonne direction. Si Sensei parle du pied et que vous regardez ses mains, vous risquez de rater le point technique démontré.
Il faut aussi apprendre l’anglais car les traducteurs sont tous de langue anglaise. 8. Emportez suffisamment d’argent pour ne pas manquer de cours.
L’argent est le moteur de votre séjour. Comptez environ 20000 Yens par jour pour vos entraînements, votre logement, vos repas et vos déplacements.
A Noda, il est très difficile de payer par carte de crédit. Nos cartes de crédit sont généralement rejetées dans les distributeurs. De toutes façons il faut savoir lire les informations portées en Japonais sur l’écran de la machine ! Et si vous réussissez à retirer de l’argent d’une des rares machines qui accepte les cartes étrangères, alors vous serez surpris devos dépense à votre retour. Les taux bancaires sont mortels.
Quant aux travellers chèques c’est un cauchemar, il faut 40 minutes à Noda pour faire le change.
Au Japon, tout se paye en cash. Il vous faut du cash et en quantité suffisante pour vivre normalement. La vie au Japon est très chère, même à Noda.
Ce chiffre de 20000 Yens comprend tout. Au Japon, vous achèterez toujours des tonnes de choses inutiles qui viendront encombrer votre valise et vider votre portefeuille.
A ce propos, n’emportez que très peu d’affaires quand vous voyagez. Pour 10 jours sur place vous n’avez besoin que de : 1 k-way haut et bas (il pleut souvent) ; 2 pulls ; 4 T-shirts ; 1 Gi (léger) ; 6 slips ; 6 chemisettes ; 2 pantalons ; 1 paire de chaussures ; 3 paires de chaussettes. Je m’explique : le poids est votre ennemi et les compagnies aériennes limitent généralement le poids des bagages à 20 Kilos. Les "achats" vont bourrer votre valise en volume et en poids.
Il est inutile de surcharger votre valise au départ car il y a des laveries automatiques qui vous permettront de laver votre linge sale. Dès votre arrivée, comme tout bon Ninja, vous allez vous dépêcher d’acheter des chaussettes Japonaises à doigts et des Tabi neufs, il est donc inutile de les amener avec vous.
Le coupe-vent haut et bas est préférable au Parka, lourd et volumineux. Tokyo est à la même hauteur que Bordeaux, il ne fait donc pas trop froid. Le climat est plus humide que chez nous mais ressemble beaucoup au nôtre (hors mois de janvier et février très froids et humides). Ce climat humide mais clément fait que vous n’arrêtez pas de mettre et d’enlever pulls et K-way. Dès que le soleil se couche, le froid arrive comme souvent au bord de la mer. S’il fait froid dehors, les trains sont surchauffés. Il vous faut donc des vêtements légers (K-way, polaires) faciles à mettre et à enlever.
S’il vous manque quelque chose et si vous êtes d’une taille normale, les magasins auront toujours de quoi vous habiller si d’aventures certaines choses vous manquaient.
La liste donnée ci-dessus comprend aussi les vêtements que vous portez pour le voyage en avion. A ce propos, ayez avec vous un petit sac à dos pour le voyage et que vous garderez avec vous en cabine. Dedans vous aurez la précaution de mettre : un change pour l’arrivée, votre pantalon de Kimono et un T- shirt. Il m’est arrivé trois fois de n’avoir pas mes valises à l’arrivée et il est bête de ne pas s’entraîner parce que vos valises ne sont pas arrivées en même temps que vous.
Un bon Ninja doit toujours tout prévoir. Les vols que nous prenons sont peu chers (entre 600 et 700 EUR) car nous faisons escale entre Paris et Narita. Les bagages n’ont pas toujours le temps de rejoindre l’avion. Si cela vous arrive, un message vous attend à Narita et après avoir rempli un formulaire, les valises sont livrées à votre lieu de résidence le lendemain.
9. Détail du budget journalier de 20000 Y :
Cours 6000 Y/J Logement 4500 Y/J Repas 3 x 1500 = 4500 Y/J Transports 1000 Y/J Achats (cadeaux etc) 2500 Y/J
Il s’agit bien sûr de moyenne mais ces chiffres sont corrects à 80% près. Il vaut mieux revenir avec trop de Yens que de rater des entraînements par manque d’argent. C’est bien pour vous entraîner que vous étiez parti à l’origine non ?
Et n’oubliez pas ce dicton ancien : "A rome faites comme les romains" ! Au Japon, les occidentaux sont considérés comme des animaux. Le surnom donné aux occidentaux est Gaijin ce qui se traduit par"barbare au long nez".
Si vous désirez nous rejoindre pour notre prochain départ le 29 mars, contactez-moi. Je me charge uniquement des réservations pour le logement, l’avion (environ 600 à 700 EUR) et pour les transports de Narita à Noda aller et retour. Je ne suis pas un tour opérator alors c’est vous qui vous chargez de vos dépenses.
Ganbatte Kudasai !
Arnaud Cousergue
Menkyô Kaiden
